Le fleuve Sénégal et Saint Louis
Nous souhaitions faire escale à Saint Louis du Sénégal, mais je n’étais pas sûr que nous puissions y accéder avec notre tirant d’eau. Je savais qu’une grande langue de terre d’environ 20 MN dénommée Langue de Barbarie séparait la mer du fleuve Sénégal et j’imaginais que la mer devait déferler en rouleaux tout au long de cette côte. L’embouchure était elle praticable pour un voilier calant 1,80 m ? Les Instructions Nautiques m’apprirent que la passe d’entrée du fleuve se déplace lentement et régulièrement vers le sud et qu’elle est toujours encombrée par une barre, laquelle est impraticable à cause de la violence des brisants pendant environ quatre vingt jours chaque année. La hauteur d’eau sur la barre atteint environ 4 m en juin - juillet mais n’excède que rarement les 2 m en septembre. La période la plus favorable pour franchir la barre se situe entre avril et décembre. Nous voilà partis..
Le 12 novembre à 19h00, sept jours après que nous ayons quitté le mouillage d'Arguineguin, le Bonaventure est au pied du pont Faidherbe, sur le fleuve Sénégal, à deux pas de la ville de Saint Louis.
Grand moment d'émotion que le passage de la barre pour entrer à marée basse contre un courant de 4 nœuds. Il n’y a pas de balisage et les Instructions Nautiques sont fausses. La carte du Shom est également fausse. En effet, la passe de Gandiole s'est totalement envasée depuis sept ans et il faut maintenant passer la barre cinq miles nautiques plus au nord, là où une ouverture avait été réalisée en 2003 pour éviter l’inondation de la ville de St Louis.
Pas de VHF à la capitainerie ! C’est l’Afrique... Heureusement, le capitaine Ndiaye est sorti pour nous accueillir en amont de la barre. Nous avions son numéro de téléphone mobile.
Celui qui veut entrer dans le fleuve Sénégal a tout intérêt à se faire guider par un pratique, sinon il devra y aller au culot en surfant de biais sur les rouleaux ou en les esquivant et surtout en évitant les bancs de sable juste en amont dans le fleuve. Inutile de s’en remettre à la couleur de l’eau. Elle est trompeuse. Il a ensuite intérêt à avoir un bon moulin pour étaler le courant de marée. Il a enfin tout intérêt à disposer d’un bon mouillage. Je conseille d’empenneler deux ancres.
Emotion encore, ces magnifiques pirogues sénégalaises, ces bâtiments qui datent de l'époque coloniale, ces sourires et ces hanches qui se déhanchent: Fête à chaque coin de rue, dans chaque bar, partout !
Emotion enfin d'être le seul voilier entré dans le fleuve depuis peut être des années.
Quelques années plus tard, la lecture d'un récit de voyage de Paul Claverie datant de 1899 m'apprendra que le problème de l'embouchure n'est pas vraiment nouveau. Je cite: ''Généralement, les fleuves se jettent à la mer par des embouchures, et même de belles embouchures, quand ce sont des fleuves de longueur et de largeur aussi respectables que le Sénégal. Or, depuis un mois, le fleuve nous a joué cette farce désagréable de se supprimer son embouchure. Le Sénégal, né malin, s'est un beau jour bouché, ensablé, fermé, et aucun navire, depuis un mois, ne peut entrer ni sortir. Tous les jours, on sonde et resonde, le résultat ne varie pas. Non seulement le Sénégal ne se débouche pas, mais il paraît vouloir se creuser une sortie dans un ancien lit près de Saint Louis: La chose peut durer longtemps. Le commerce est complètement arrêté, et cette petite facétie pourrait bien coûter près d'un million aux négotiants de Saint Louis, si peu qu'elle se prolonge encore. Là est une des causes de la décadence prochaine de Saint Louis, en tant que port de mer, au profit de Dakar...''
Déplacement du bateau à l’hydrobase. Nous voilà au rythme du fleuve à couple d’un ancien garde côte de l'armée allemande d’environ 100 pieds de long, reconvertie en station de désalinisation itinérante. Trois ans que le bateau est là, en standby par manque de licence, de financement et d’idée. L’équipage, bon voisinage, semble à l’abandon. Ils sont entre trois et cinq à vivre régulièrement à bord. Le chef mécanicien, moitié cubain, moitié espagnol, se demande combien de temps va durer cette attente. Un homme à tout faire, mais qui manifestement, ne trouve rien d'interessant à faire, squatte le bateau depuis que sa femme l’a foutu dehors. Un autre sénégalais fait office de gardien. Le capitaine, lui aussi de nationalité cubaine, dispose de deux superbes moteur MTU, des V16 de 1500 CV, qui ne tournent pas par manque de gasoil. Ces bonhommes passent leur journée à fumer des joints. Ils sont en train d’assécher mon stock de papier à rouler. Dommage de laisser à l'abandon une si belle machine qui peut produire 18 000 litres d'eau douce par jour, naviguer entre 15 et 20 nds avec une autonomie de 40 000 litres de carburant et de surcroît transporter quelques containers...
Déplacement du bateau à l’hydrobase. Nous voilà au rythme du fleuve à couple d’un ancien garde côte de l'armée allemande d’environ 100 pieds de long, reconvertie en station de désalinisation itinérante. Trois ans que le bateau est là, en standby par manque de licence, de financement et d’idée. L’équipage, bon voisinage, semble à l’abandon. Ils sont entre trois et cinq à vivre régulièrement à bord. Le chef mécanicien, moitié cubain, moitié espagnol, se demande combien de temps va durer cette attente. Un homme à tout faire, mais qui manifestement, ne trouve rien d'interessant à faire, squatte le bateau depuis que sa femme l’a foutu dehors. Un autre sénégalais fait office de gardien. Le capitaine, lui aussi de nationalité cubaine, dispose de deux superbes moteur MTU, des V16 de 1500 CV, qui ne tournent pas par manque de gasoil. Ces bonhommes passent leur journée à fumer des joints. Ils sont en train d’assécher mon stock de papier à rouler. Dommage de laisser à l'abandon une si belle machine qui peut produire 18 000 litres d'eau douce par jour, naviguer entre 15 et 20 nds avec une autonomie de 40 000 litres de carburant et de surcroît transporter quelques containers...
A deux pas de là, il y a des paillotes, des petits campements, Marie qui prépare les dîners sur de grands plateaux, des gamins qui jouent du Djembe en fumant de l’herbe et un hôtel où se trouve le consulat de Belgique. Nous y prenons des bières pour recharger nos batteries sur le 220V du bar. Les journées trainent en longueur. Les pêcheurs mettent leurs filets au sec en chantant et en dansant. Elimane garde le bateau quand on s’absente.
Promenade sur la plage au coucher du soleil. Il faut regarder où l’on met les pieds. C’est la Tabaski et la mer a ramené tous les boyaux de mouton que la ville a rejetés. Ce soir l’harmattan souffle.
Le fleuve est sage. Nous sommes allés jusqu’au phare de Gandiole en pirogue pour admirer les pélicans, surprendre des aigrettes blanches et quelques grises aussi et puis voir les hérons. J’entends la mer gronder de l’autre coté de la langue de Barbarie.
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