mercredi 27 février 2013

Rio Dulce / Guatemala

1,50 m à 1,60 m, c’est la profondeur attendue à l’entrée du rio Dulce. Le Bonaventure tire 1,80 m mais nous savons qu’à marée haute, il y a lieu de rajouter 30 à 40 cms. Nous devrions donc avoir entre 1,80 m et 1,90 m d’eau sous la flottaison. J’imagine que nous allons un peu labourer les fonds de vase.
En réalité, nous ne toucherons pas et nous ne saurons jamais combien nous avions sous la quille car le sondeur du bateau avait choisi le moment où nous nous engagions dans la passe pour déclarer forfait. Il ne se remettra en route qu’après notre arrivée.
Les formalités à Livingston se terminent dans un grand éclat de rire après que l’employée de la douane ait failli tomber à l’eau en débarquant du Bonaventure. Ambiance décontractée...Nous nous sentons bien accueillis. Ils sont cinq à être monté à bord, cinq fonctionnaires de la douane, de l’immigration, de l’agriculture, de la santé et des affaires maritimes, mais aucun d’entre eux ne rentrera à l’intérieur du bateau.
Livingston, vendue pour être une plaque tournante de la drogue avec ses gangs, n’est qu’une gentille bourgade touristique. Un de ses charmes réside dans le fait qu’elle n’est accessible que par voie d’eau, mer ou rivière. Livingston est un peu la capitale des garifunas, mais je vois surtout des indiens dans la rue et quelques noirs, le tout donnant quelque chose de très coloré, moitié indien, moitié caribéen.
Nous nous engageons sur le rio et sur plus de huit miles nautiques, nous progressons au pied d’un canyon dont les rives abruptes sont une jungle épaisse et haute. Ici et là quelques habitations mayas et quelques riches propriétés, l’ensemble étant en harmonie avec le lieu. L’eau est couverte de pélicans.

Le Bonaventure sur le rio Dulce


Habitation Maya sur les bords du rio Dulce

Nous arrivons ensuite sur un lac de près de 20 kms de long, El Golfete.que nous devons traverser entièrement. Sérénité du fleuve après les houles de la mer des Caraîbes, sérénité de l’eau douce après des mois de sel dans l’air et dans les cheveux.  Enfin, nous approchons de Fronteras, après plus de 20 miles de navigation. Le fleuve s’est élargi. De nombreuses marinas se sont installées de part et d’autre du fleuve. Il y en a pour tous les goûts. Il s’agit pour nous d’en trouver une qui soit exposée à la brise d’Est pour que le bateau ne souffre pas trop de l’humidité en notre absence. Nous mouillons dans Monkey Bay à deux pas de quelques pontons que se partagent plusieurs propriétaires. L’endroit ne manque pas de charme : Au petit matin, nous sommes réveillés par les cris des singes hurleurs. Nous ne resterons pas là car le mouillage est trop éloigné de la ville et des moyens de communication. C’est finalement à Tijax que nous venons mettre le bateau en ‘’hivernage’’. S’en suivent deux jours de formalités diverses et de désarmement du bateau. Je pars ensuite en bus pour Guatemala city.    

Pour finir cette étape du voyage, une photo de l'équipage:

Caro


et Ras captain Jr




Passage au Honduras

450 miles nautiques, c’est le trajet que nous devons parcourir au travers de la mer des Caraïbes, pour rejoindre la première île se trouvant au nord du Honduras. Nous prévoyons quatre à cinq jours de navigation. Peu de vent et beaucoup de moteur le premier jour avec une houle de Sud-Est un peu agaçante, puis bonne brise et mer peu agitée à partir du deuxième jour.
Igor nous pêche une belle dorade – succulente –
            Au terme de notre 3ème nuit de navigation, nous approchons des îles Santillana et la tentation est grande d’aller nous dégourdir les jambes. Les îles Santillana, également connues sous le nom d’îles Swan en mémoire d’un pirate qui sévit dans les parages au XVIème siècle, sont perdues au milieu de la mer des Caraîbes, à plus de 300 miles de la Jamaïque, environ 180 miles des îles Caïman et à 120 miles de l’île Guanaja (Honduras) où nous nous rendons. Personne ne connait ces îles ; Elles ne sont qu’un point sur la carte, laquelle fait mention d’une zone interdite ; Elles sont entourées de hauts fonds et de récifs non cartographiés qui en rendent l’approche délicate (en guise de sondes, les cartes marines portent des points d’interrogation) ; Aucun projet sérieux n’y est envisageable car ces deux îlots (2kms de long pour le plus grand et 1.5 kms de long pour l’autre) sont, chaque année, ravagés par des cyclones. Ces îles ne sont pourtant pas tout à fait désertes. Jusqu’en 1980, les Etats Unis y opéraient une station météo. Les îles furent ensuite cédées au Honduras et elles sont désormais occupées par des militaires. Ce sont eux qui nous interpelleront par VHF alors que nous approchions prudemment d’une petite calanque sur la côte nord. Ils nous demandèrent de faire le tour d’Isla Grande pour venir nous déclarer. Sachant qu’un coup de vent se préparait, nous n’avions pas l’intention de perdre une demi-journée en formalités, nous les remerciâmes et reprîmes notre route. Les îles Santillana garderont ce parfum des ‘’belles passantes que l’on n’a pas su retenir’’.

            Notre revanche, c’est à Guanaja que nous l’aurons. Guanaja est la plus nord-est de toutes les îles de la Bahia, la plus isolée, et la moins fréquentée. Elle est entourée de cayes qui en rendent l’accès incertain. Certaines de ces cayes sont habitées et sont autant de petit paradis pour ceux qui y résident. Sur les 10 000 habitants de l’île, 8 000 sont concentrés sur la petite ville de Bonacca, laquelle a été construite à cheval sur deux cayes. Ici, comme dans toute l’île, il ne peut y avoir de voiture. Toute la circulation se fait soit en bateau car Bonacca est traversé par des canaux qui lui donnent un petit coté vénitien, soit à pied dans des ruelles qui ne font pas plus d’1m50 de large. Guanaja est un havre de paix qui ne se reconnait pas comme faisant partie du Honduras, lequel ne fait rien pour équiper l’île. Les habitants ayant pris l’habitude de se débrouiller seuls (y compris sur le plan énergétique), il n’y a ni impôt ni aucune taxe de quelque ordre que ce soit.




           





Dans la perspective du coup de vent annoncé, nous allons nous réfugier à El Bight, un abri à cyclone entouré de mangrove. A terre, un bar tenu par des allemands arrivés sur l’île au début des années 90, quelques rares habitations, joliment fleuries. Certaines disposent de leur propre petit ponton leur permettant l’accès à la mer. Ici, ni délinquance, ni criminalité, les maisons restent ouvertes et sans surveillance. Ceux qui y vivent ont le sentiment de se trouver dans un des derniers refuges de paix et de liberté qui puissent encore exister sur cette planète.


           
Passé le coup de vent qui n’en fut pas vraiment un, nous reprenons notre route Ouest-Sud-Ouest. Belle navigation sous spi, mais nous sommes fatigués de la mer et de toutes ces heures d’inactivité. L’ambiance à bord n’est plus tout à fait la même. Le soir venu, nous arrivons aux Cayos Cochinos, un archipel de 13 petits îlots coralliens de toute beauté, devenu réserve maritime et abritant une mission scientifique. La plupart de ces îles sont au ras de la mer avec de superbes plages de sable blanc entourées de récifs et de lagons aux eaux turquoises façon carte postale, mais c’est à l’abri de la plus haute et plus grande île que nous trouvons un abri. Là vivent encore quelques garifunas, mélange d’amérindiens carib et d’anciens esclaves d’origine africaine. Pendant que les enfants se reposent, je fais un tour sur l’île : Végétation tropicale totalement vierge, nombreux oiseaux. C’est tout simplement magnifique.


Le soir même, nous repartons sur Utica pour y effectuer nos formalités de sortie du Honduras, nous n'y passons pas plus d’une heure et nous repartons vers le rio Dulce (Guatemala).

Jamaica

mercredi 30 janvier 2013

En route pour Haiti

Le 4 janvier, les enfants débarquent. Il ne m'est pas désagréable d'être enfin seul en tête à tête avec le Bonaventure. Pas tout à fait seul en réalité car il y a des centaines de bateaux dans le cul de sac du Marin. Je n'aime pas trop cette ambiance martiniquaise plus française que nécessaire. Le Marin est une enclave internationale de couleur blanche au milieu de la Caraïbe. Dépaysement à l'envers..Je reste à bord faire de la maintenance.

Jours suivants: Il pleut sans discontinuer. Météo France annonce Grand Frais avec une mer très forte et des rafales à 40 nœuds. Une nuit, le dinghy se retourne: Moteur dans l'eau de mer, jerrican d'essence et rames à la dérive. Je suis bon pour un démontage complet du moteur. Gérard (bateau Anahita) me fait cadeau de deux rames et d'un petit bidon d'essence. Merci...

Le 7 janvier, Guillaume nous arrive du Maroc. Je retrouve également Igor et Caroline. Les conditions météo restent inchangées et nous restons bloqués deux jours avant de quitter la baie du Marin que nous avons surnommée ‘’staphylocoque bay’’. Remontée sur l’anse d’Arlet pour une grosse fête avec les amis d’Igor et de jeunes espagnols, puis sur St Pierre et Roseau (Dominique) où nous arrivons le 12 janvier après midi. Je ne souhaite plus trainer dans les petites Antilles et nous décidons  de faire route directe sur Hispaniola. Faux départ le 13 janvier car, après cinq heures de navigation rapide, nous réalisons que nous n’avons plus de gaz pour la cuisinière. Nous rentrons sur Portsmouth contre vent et courant. Le 14, nous sommes enfin en route, sous spi, jusqu’à ce que la poulie de drisse explose en haut du mât et que le spi se retrouve à l’eau...
S’en suivent quatre jours et quatre nuits de navigation dans de bonnes conditions météo et avec de la bonne humeur à bord. Nous arrivons le 18 à l’aube sur le rio Dulce pour effectuer les formalités d’entrée. Accueil pittoresque des autorités le long d’un vestige de quai dont il ne reste quasiment plus que les fers à béton. Nous devons accoster avec précaution.


Le quai des douanes où nous accostons


De là, nous sommes aiguillés sur le port de Casa de Campo (la maison de campagne). Notre déception est réelle car nous nous retrouvons dans la marina d’un  complexe totalement artificiel de plus de 3000 hectares et qui longe la côte sur une vingtaine de kilomètres. Nous reprenons notre route vers l’ouest. La côte Caraïbes de la République dominicaine est d’une laideur sans nom. C’est une côte plate d’où se détachent plusieurs raffineries de sucre, des barrières d’immeubles géants et des complexes hôteliers qui me donnent l’impression d’être revenu dans les endroits les plus déplaisants de la côte espagnole. Nous arrivons à St Domingue dans la nuit. Le port est un cloaque où transite tout ce que peut charrier le fleuve Ozama après avoir traversé une métropole de 3 millions d’habitants. A l’ouest de St Domingue, la côte est un peu plus sauvage. Elle le devient vraiment à l’approche du cap Beata que nous passerons après 24h00 de mer. Quatre heures supplémentaires seront nécessaires pour trouver un abri derrière le cap. Cet endroit du bout du monde fut un refuge de pirates. Il n’y vit plus que des iguanes. Nous mouillons dans la baie de Las Aguilas, une plage déserte de 10 kms. Au cours de la traversée, Igor nous avait pêché un beau barracuda. Nous avons également rencontré des pêcheurs qui nous cèdent trois langoustes, un mérou et quelques kilos de lambis. Ce soir, c’est feu de bois et barbecue sur la plage.  


Guillaume préparant le barracuda

En route pour Haïti, nous ne croiserons pas un seul bateau. En panne de vent, nous ne tardons pas à nous retrouver également en panne de gasoil et nous devons nous dérouter sur Jacmel. C’est là que nous rencontrons pour la première fois depuis la Martinique, un bateau de voyage. Je reconnais Goyave, le bateau de Daniel que nous croisons et recroisons depuis le Brésil. Décidemment !
Daniel est à Jacmel depuis un mois. Il s’occupe d’une petite association d’orphelins.
Jacmel, petite ville au Sud Est d’Haïti, connut son heure de gloire au XIXème siècle avec le boom du café. Des lignes régulières reliaient alors Jacmel à Southampton et Le Havre. De nombreuses maisons de style colonial sont encore debout mais des séismes successifs ont saccagé la ville. Certaines rues donnent l’impression d’avoir subi un véritable bombardement. La sécurité sanitaire n’est pas assurée et les orphelins ne se comptent plus. Pourtant la jeune population semble ne pas vouloir cesser de vivre et de créer et l’adversité n’a pas entamé la pulsion de vie très africaine de cette jeunesse.
Je ne sais ce qu’il en est du reste de l’île, mais je m’étonne qu’à Jacmel, la communauté internationale ne se soit pas prioritairement concentré sur le problème de l’eau. Celle-ci ne manque pas, mais elle est gravement polluée.


La rivière de Jacmel




Le soir de notre arrivée, nous assistons à une cérémonie vaudou. Le péristyle s’est installé dans une cour à ciel ouvert entourée de cases en tôle ondulée. L’Afrique...
Le lendemain, sur le marché, nous trouvons des agrumes, quelques légumes, et surtout du riz blanc vendu dans des sacs frappés du drapeau nord américain. Il me revient en mémoire les propos de Marie Monique Robin qui, dans son livre ‘’Les moissons du futur’’, explique que jusqu’au début des années 80, l’île était autosuffisante en riz car la production locale était protégée par une taxe à l’importation de 30%. Le pays a subi deux plans d’ajustement structurel et, sous la pression du FMI, les droits de douane ont été abaissés à 3%. Le résultat est sous nos yeux. Dans son livre ‘’Destruction massive, géopolitique de la faim’’, Jean Ziegler explique : ‘’Fortement subventionné, le riz nord-américain a envahi les villes et les villages haïtiens et le gouvernement est maintenant obligé de consacrer 80% de ses revenus à l’achat de nourriture, tandis que les petits riziculteurs ont massivement migré vers les bidonvilles de Port au Prince''.
Après le marché, nous nous offrons une petite escapade jusqu’à ‘’Bassin bleu’’, une parenthèse de fraîcheur, d’eau douce et de verdure au milieu des montagnes arides qui entourent Jacmel. En chemin, nous rencontrons des casques bleus sri-lankais. Nous sommes dimanche et ils se rendent à la cascade. Nous nous étonnons qu’ils aient, pour un simple pique-nique déployé tant de moyens. En effet, tous ces soldats sont lourdement armés. Nous discutons avec eux et ils nous apprennent que leur mission à Port au Prince est une mission de police. Chose amusante, nous nous ferons ramenés à Jacmel dans un véhicule des Nations Unis aux vitres teintées.
Etape suivante : L’île à vache où le célèbre pirate, Sir Henry Morgan, avait débarqué des animaux pour qu’ils s’y reproduisent à l’abri des prédateurs et puissent lui assurer les ravitaillements en viande dont il avait besoin. Un guide que nous ne citerons pas nous avait  recommandé la marina de port Morgan où nous espérions pouvoir nous ravitailler en eau potable. Cette marina n’existe pas et n’a jamais existé. Port Morgan est en fait un joli mouillage parfaitement protégé sur 360° (Il faut virer quatre fois à 90° pour atteindre ce cul de sac entouré de mangroves, de plages de cocotiers et d’un hôtel de luxe...la prétendue marina..) Seuls quelques villageois qui nous abordent en pirogue nous rappellent que nous sommes en Haïti car l’île semble être devenue un lieu de retraite privilégié pour les riches notables de Port au Prince et pour quelques étrangers. Nous reprenons notre route...
Mouillage à l'île à vache


Dernières images d'Haiti:

Petit village de pêcheurs sur l'île à vache: paix, calme et sérénité sont au rendez vous. Les gens ne sont pas bien riches mais, loin de la ville, ils vivent très correctement de leurs jardins et d'un peu d'élevage. la plupart d'entre eux n'ont pas l'électricité, mais rien ne donne l'impression qu'il puisse en soufrir de quelque manière que ce soit. Il y a un petit dispensaire sur l'île et plusieurs petites écoles. 


 





mardi 1 janvier 2013

Nouvel an


 
Le 4 janvier, les enfants débarquent. Il ne m'est pas désagréable d'être enfin seul en tête à tête avec le Bonaventure. Pas tout à fait seul en réalité car il y a des centaines de bateaux dans le cul de sac du Marin. Jen'aime pas trop cette ambiance martiniquaise plus française que nécessaire. Le Marin est une enclâve internationale de couleur blanche au milieu de la Caraïbe. Dépaysement à l'envers..Je reste à bord faire de la maintenance.

Jours suivants: Il pleut sans discontinuer. Météo France annonce Grand Frais avec une mer très forte et des rafales à 40 noeuds. Une nuit, le dinghi se retourne: Moteur dans l'eau de mer, jerrican d'essence et rames à la dérive. Je suis bon pour un démontage complet du moteur. Gérard (bateau Anahita) me fait cadeau de deux rames et d'un petit bidon d'essence. Merci...

Le 7 janvier, je dois retrouver Igor et Caroline. J'attends également Guillaume qui arrive du Maroc. Les conditions météo restent inchangées et notre programme est donc incertain.