mercredi 30 janvier 2013

En route pour Haiti

Le 4 janvier, les enfants débarquent. Il ne m'est pas désagréable d'être enfin seul en tête à tête avec le Bonaventure. Pas tout à fait seul en réalité car il y a des centaines de bateaux dans le cul de sac du Marin. Je n'aime pas trop cette ambiance martiniquaise plus française que nécessaire. Le Marin est une enclave internationale de couleur blanche au milieu de la Caraïbe. Dépaysement à l'envers..Je reste à bord faire de la maintenance.

Jours suivants: Il pleut sans discontinuer. Météo France annonce Grand Frais avec une mer très forte et des rafales à 40 nœuds. Une nuit, le dinghy se retourne: Moteur dans l'eau de mer, jerrican d'essence et rames à la dérive. Je suis bon pour un démontage complet du moteur. Gérard (bateau Anahita) me fait cadeau de deux rames et d'un petit bidon d'essence. Merci...

Le 7 janvier, Guillaume nous arrive du Maroc. Je retrouve également Igor et Caroline. Les conditions météo restent inchangées et nous restons bloqués deux jours avant de quitter la baie du Marin que nous avons surnommée ‘’staphylocoque bay’’. Remontée sur l’anse d’Arlet pour une grosse fête avec les amis d’Igor et de jeunes espagnols, puis sur St Pierre et Roseau (Dominique) où nous arrivons le 12 janvier après midi. Je ne souhaite plus trainer dans les petites Antilles et nous décidons  de faire route directe sur Hispaniola. Faux départ le 13 janvier car, après cinq heures de navigation rapide, nous réalisons que nous n’avons plus de gaz pour la cuisinière. Nous rentrons sur Portsmouth contre vent et courant. Le 14, nous sommes enfin en route, sous spi, jusqu’à ce que la poulie de drisse explose en haut du mât et que le spi se retrouve à l’eau...
S’en suivent quatre jours et quatre nuits de navigation dans de bonnes conditions météo et avec de la bonne humeur à bord. Nous arrivons le 18 à l’aube sur le rio Dulce pour effectuer les formalités d’entrée. Accueil pittoresque des autorités le long d’un vestige de quai dont il ne reste quasiment plus que les fers à béton. Nous devons accoster avec précaution.


Le quai des douanes où nous accostons


De là, nous sommes aiguillés sur le port de Casa de Campo (la maison de campagne). Notre déception est réelle car nous nous retrouvons dans la marina d’un  complexe totalement artificiel de plus de 3000 hectares et qui longe la côte sur une vingtaine de kilomètres. Nous reprenons notre route vers l’ouest. La côte Caraïbes de la République dominicaine est d’une laideur sans nom. C’est une côte plate d’où se détachent plusieurs raffineries de sucre, des barrières d’immeubles géants et des complexes hôteliers qui me donnent l’impression d’être revenu dans les endroits les plus déplaisants de la côte espagnole. Nous arrivons à St Domingue dans la nuit. Le port est un cloaque où transite tout ce que peut charrier le fleuve Ozama après avoir traversé une métropole de 3 millions d’habitants. A l’ouest de St Domingue, la côte est un peu plus sauvage. Elle le devient vraiment à l’approche du cap Beata que nous passerons après 24h00 de mer. Quatre heures supplémentaires seront nécessaires pour trouver un abri derrière le cap. Cet endroit du bout du monde fut un refuge de pirates. Il n’y vit plus que des iguanes. Nous mouillons dans la baie de Las Aguilas, une plage déserte de 10 kms. Au cours de la traversée, Igor nous avait pêché un beau barracuda. Nous avons également rencontré des pêcheurs qui nous cèdent trois langoustes, un mérou et quelques kilos de lambis. Ce soir, c’est feu de bois et barbecue sur la plage.  


Guillaume préparant le barracuda

En route pour Haïti, nous ne croiserons pas un seul bateau. En panne de vent, nous ne tardons pas à nous retrouver également en panne de gasoil et nous devons nous dérouter sur Jacmel. C’est là que nous rencontrons pour la première fois depuis la Martinique, un bateau de voyage. Je reconnais Goyave, le bateau de Daniel que nous croisons et recroisons depuis le Brésil. Décidemment !
Daniel est à Jacmel depuis un mois. Il s’occupe d’une petite association d’orphelins.
Jacmel, petite ville au Sud Est d’Haïti, connut son heure de gloire au XIXème siècle avec le boom du café. Des lignes régulières reliaient alors Jacmel à Southampton et Le Havre. De nombreuses maisons de style colonial sont encore debout mais des séismes successifs ont saccagé la ville. Certaines rues donnent l’impression d’avoir subi un véritable bombardement. La sécurité sanitaire n’est pas assurée et les orphelins ne se comptent plus. Pourtant la jeune population semble ne pas vouloir cesser de vivre et de créer et l’adversité n’a pas entamé la pulsion de vie très africaine de cette jeunesse.
Je ne sais ce qu’il en est du reste de l’île, mais je m’étonne qu’à Jacmel, la communauté internationale ne se soit pas prioritairement concentré sur le problème de l’eau. Celle-ci ne manque pas, mais elle est gravement polluée.


La rivière de Jacmel




Le soir de notre arrivée, nous assistons à une cérémonie vaudou. Le péristyle s’est installé dans une cour à ciel ouvert entourée de cases en tôle ondulée. L’Afrique...
Le lendemain, sur le marché, nous trouvons des agrumes, quelques légumes, et surtout du riz blanc vendu dans des sacs frappés du drapeau nord américain. Il me revient en mémoire les propos de Marie Monique Robin qui, dans son livre ‘’Les moissons du futur’’, explique que jusqu’au début des années 80, l’île était autosuffisante en riz car la production locale était protégée par une taxe à l’importation de 30%. Le pays a subi deux plans d’ajustement structurel et, sous la pression du FMI, les droits de douane ont été abaissés à 3%. Le résultat est sous nos yeux. Dans son livre ‘’Destruction massive, géopolitique de la faim’’, Jean Ziegler explique : ‘’Fortement subventionné, le riz nord-américain a envahi les villes et les villages haïtiens et le gouvernement est maintenant obligé de consacrer 80% de ses revenus à l’achat de nourriture, tandis que les petits riziculteurs ont massivement migré vers les bidonvilles de Port au Prince''.
Après le marché, nous nous offrons une petite escapade jusqu’à ‘’Bassin bleu’’, une parenthèse de fraîcheur, d’eau douce et de verdure au milieu des montagnes arides qui entourent Jacmel. En chemin, nous rencontrons des casques bleus sri-lankais. Nous sommes dimanche et ils se rendent à la cascade. Nous nous étonnons qu’ils aient, pour un simple pique-nique déployé tant de moyens. En effet, tous ces soldats sont lourdement armés. Nous discutons avec eux et ils nous apprennent que leur mission à Port au Prince est une mission de police. Chose amusante, nous nous ferons ramenés à Jacmel dans un véhicule des Nations Unis aux vitres teintées.
Etape suivante : L’île à vache où le célèbre pirate, Sir Henry Morgan, avait débarqué des animaux pour qu’ils s’y reproduisent à l’abri des prédateurs et puissent lui assurer les ravitaillements en viande dont il avait besoin. Un guide que nous ne citerons pas nous avait  recommandé la marina de port Morgan où nous espérions pouvoir nous ravitailler en eau potable. Cette marina n’existe pas et n’a jamais existé. Port Morgan est en fait un joli mouillage parfaitement protégé sur 360° (Il faut virer quatre fois à 90° pour atteindre ce cul de sac entouré de mangroves, de plages de cocotiers et d’un hôtel de luxe...la prétendue marina..) Seuls quelques villageois qui nous abordent en pirogue nous rappellent que nous sommes en Haïti car l’île semble être devenue un lieu de retraite privilégié pour les riches notables de Port au Prince et pour quelques étrangers. Nous reprenons notre route...
Mouillage à l'île à vache


Dernières images d'Haiti:

Petit village de pêcheurs sur l'île à vache: paix, calme et sérénité sont au rendez vous. Les gens ne sont pas bien riches mais, loin de la ville, ils vivent très correctement de leurs jardins et d'un peu d'élevage. la plupart d'entre eux n'ont pas l'électricité, mais rien ne donne l'impression qu'il puisse en soufrir de quelque manière que ce soit. Il y a un petit dispensaire sur l'île et plusieurs petites écoles. 


 





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