mercredi 18 avril 2012

Encore quelques semaines au Brésil

Départ de Salvador

Sept jours de voyage jusqu’à Jacaré, dont quatre jours avec le vent de face et un fort courant contraire. Nous mouillons au terme de la quatrième nuit derrière la barrière de récifs de Praia do Francès, au sud de Maceio. Petit surf sur la vague et virage à 90° derrière la barrière: Impressionnant ! La marée monte et bientôt la mer recouvre le récif.. Nous y laisserons une ancre. Les deux derniers jours se font sous jolie brise de travers.

                                                       Mouillage derrière la barrière de récifs de Praia do Francès

       
A Jacaré, nous retrouvons Daniel sur son ‘’Goyave’’ et quelques autres bateaux de notre connaissance. Soirées barbecue...  

Arrive ensuite le ‘’Balthazar’’, un plan Garcia de 53’. Le bateau rentre d’Antarctique. Chapeau bas à cet équipage de trois hommes dont le plus jeune à 68 ans et l’ainé 80 ans.
        
Je ne dispose d’aucune indication concernant la passe permettant d’entrer dans la lagune Guarairas. Même chose concernant  le rio Preguiças dans le parc national dos Lençois Maranhenses. La région est absolument magnifique, mais elle reste assez inhospitalière pour les quillards. Nous aurions également souhaité nous rendre à Sao Luis, même si cela nous obligeait à longer la côte et devait considérablement rallonger notre route, mais il semble que les braquages de bateaux s’y multiplient. Ce sont toujours des braquages à mains armées. Nous décidons donc de faire route sur Fortaleza où nous laisserons le bateau quelques temps pour explorer la région du Ceara. Nous ferons ensuite route directe sur la Guyane. Cela tombe bien car le propriétaire du ‘’Balthazar’’ vient de Kourou. Il était responsable du projet Ariane avant de prendre sa retraite.  C’est ainsi que j’apprends que, peu après l’embouchure de l’Oyapock, se trouve une rivière que borde le petit village d’Ouanary. Le mouillage est possible à proximité du village. L’Oyapock n’a pas été complètement hydrographié et la navigation y est réputée difficile et dangereuse, mais jusqu’à Saint Georges, situé à 30 M de Cabo Orange, on peut y naviguer avec un tirant d’eau voisin de 4 m. Cette rivière qui se trouve près de l’embouchure ne devrait pas nous poser de problème. Le fleuve présente une période de hautes eaux de février à juin, avec un pic en mai, au moment de la saison des pluies. Cela devrait donc être relativement facile.

Fortaleza :

Nous mettrons trois jours pour effectuer les 360  miles qui nous séparent de Fortaleza. Saison des pluies, proximité de l'Amazone ou pot au noir ? Je me demande. Le fait est que nous allons prendre quelques douches! Le ciel restera bouché pendant la quasi-totalité du parcours, les grains et les averses se succéderont. La nuit, on ne voit pas à dix mètres. Je n’ai jamais navigué dans une telle obscurité ! Impression d’être aveugle. Je croise les doigts pour ne pas couper en deux un petit bateau de pêche.

En arrivant sur Fortaleza, nous croisons des dizaines de jangadas, ces embarcations traditionnelles en bois qu’utilisent les pêcheurs dans le nord-est. A la différence des saveiros que l’on rencontre à Bahia, la plus grande voile est taillée en pointe. 


                          Jangada

Fortaleza, c’est en premier lieu Marina Park. Il nous appartient de pomper l’eau qui se trouve dans les caissons flottants auxquels nous sommes amarrés, faute de quoi ils couleraient tant ils sont rouillés, percés et prennent l’eau. Les câbles électriques, non protégés, baignent dans l’eau. Le gestionnaire de la marina veut nous facturer vingt réals de l’heure pour un accès internet. Marina Park est la marina la plus chère et la plus dégradée que nous ayons trouvé depuis notre départ d’Europe, mais nous n’avons pas vraiment le choix, sauf à reprendre la mer.

Nous rencontrons Elias, le ‘’phénicien’’ qui remonte son 43 pieds sur Trinidad pour le vendre. L’entretien de ce bateau est devenu trop lourd pour lui en regard de la pension de retraite dont il dispose à présent. Ancien restaurateur en Sicile, il nous invite à dîner à son bord. Nous rencontrons également trois jeunes sud africains qui assurent le convoyage d’un catamaran tout neuf sur la Floride. Ils arrivent de Capetown et leur dernière escale fût St Héléne. Nous laissons Laura à bord et partons tous les six (Elias, nos trois gaillards, Laurence et moi) nous promener en bord de mer. L’avenue Beira Mar est extrêmement vivante après minuit. Elle offre la plus grande concentration de prostituées qu’il m’est été donné de voir. La plupart sont jolies, ce qui est étonnant au Brésil où nous avions surtout vu des filles obèses. Excellente soirée pour tout le monde. Certains ne rentreront à leur bateau qu’à 9h00 du matin.  Le lendemain, nous nous retrouvons tous les six sur le bateau d’Elias pour un barbecue qui s’achève à la nuit tombante, puis nous allons passer la soirée à Dragao do Mar, un quartier culturel fort sympathique. Concert de musique rock brésilienne, petits bistrots, un endroit idéal pour des soirées tranquilles. Bientôt, nous ne sommes plus que trois bateaux habités à Marina Park. Elias est toujours là. Il ne partira que dans deux jours, mais il y a aussi le ‘’Garlaban’’, lui aussi sur le départ. Ce bateau de 27 mètres en acier était le bateau de Paul Ricard. C’est sa première traversée de l’Atlantique. Jacky, son propriétaire, nous invite à bord pour l’apéro. Beaujolais !

Il pleut des trombes sur Fortaleza qui a pourtant la réputation de bénéficier d’un taux d’ensoleillement exceptionnel. Le soir, on se retrouve ‘’O Pirata’’ connu pour être l’un des endroits les plus animés d’Amérique latine. Nous sommes déçus. C’est une boîte en plein air, mais c’est une boîte comme les autres et le spectacle est affligeant.

Un à un les bateaux s’en vont et nous restons le seul voilier habité à Marina Park. Nous sommes mi-avril et la saison des pluies est bien établie. Avant de partir, Garlaban nous a laissé une aussière de 100 m de long en 25 mm de diamètre. C’est une chance car la nuit suivante, le ponton auquel nous étions amarrés se retrouve sous l’eau.

Parc dos Lençois Maranhenses :

Nous laissons le bateau à Fortaleza pour nous rendre à Sao Luis en car. Partis à 19h00, nous arrivons à Teresina à 6h00 du matin. Nous avons quitté l’état du Ceara, pays des vachers et du cuir, laissé derrière nous l’état du Piaui et nous abordons maintenant le Maranhao. L’humidité est très importante et la végétation très dense. Il fait 28° alors que le jour se lève à peine. La terre est rouge. En fait, nous n’avons pas encore vu la sécheresse dont on nous parle tant et qui justifie l’exode rural depuis des décennies. Partout, ce n’est que végétation luxuriante, immenses fazendas, petits hameaux construits de terre au milieu de gigantesques palmeraies. Ces dernières s’étendent à perte de vue sur des centaines de kilomètres. Marrakech ou Tozeur ne jouent manifestement pas dans la même division. J’imagine qu’au-delà de la sécheresse, c’est la monopolisation des terres par une toute petite minorité qui explique l’exode des paysans. Il faut également considérer l’attrait que suscitent les villes. Partout dans le monde, elles aspirent la jeunesse comme un aimant.

Nous arrivons à Sao Luis le jour de Pâques. Les rues de la ville coloniale sont désertes. Nous en profitons pour visiter le centre historique qui vaut vraiment le détour. Quelques hôtels particuliers ou bâtiments publics ont été restaurés mais il reste beaucoup à faire.

Vue dominante sur le rio Anil et Ponta d’Areia. On ne regrette pas d’avoir laissé le bateau à Fortaleza car ici la mer se retire sur des kilomètres. Les moustiques sont au rendez vous. Il faut dire qu’à l’exception de l’Amazone, c’est à Sao Luis que les marnages sont les plus importants au Brésil : 7 mètres de hauteur en moyenne avec des courants de marée qui atteignent régulièrement les 6 nœuds. C’est d’ailleurs à cause de ces marées que nous ne pourrons visiter Alcantara qui fut, au XIIIème siècle, plus importante que Sao Luis.

Le lendemain, nous partons sur le parc de Lençois Marahenses. Le parc n’est qu’à quatre heures de route, mais nous avons déjà dix neuf heures de car dans le dos.   A mesure que nous progressons, la végétation reste dense, mais la terre rouge est remplacée par du sable. L’habitat, toujours constitué de petites maisons de terre ou de briques recouvertes de feuilles de palmiers est de plus en plus éparse. Les marécages se font nombreux. Nous traversons de jolis rios dont l’eau est aussi rouge que celle que nous avions trouvée dans la Chapada Diamentina. Le métissage semble emprunter davantage de l’indien que de l’africain. A partir de Barreirinhas, nous devons emprunter une piste de sable en 4X4. Elle n’est pas sans nous rappeler la piste que nous suivions au Gabon pour rejoindre Ouzouri. Il faut régulièrement descendre de voiture pour s’assurer que les marigots ne sont pas trop profonds et que le sable reste meuble. Nous arrivons enfin au cœur du parc de Lençois. Le spectacle de ‘’lagao’’ d’eau de pluie au milieu des dunes de sable est tout à fait saisissant. Surprenante nature qui nous offre ces drapés sahariens et, de ci, de là, des étendues d’eau douce d’une clarté étonnante.




Le lendemain, nous remontons en pirogue le rio Preguiças, celui là même que nous ne pouvons emprunter avec le Bonaventure à cause de notre tirant d’eau. D’un coté la mangrove, de l’autre les dunes de sable ! Nous arrivons au phare de Mandacaru où l’on me confirmera qu’il n’y a pas plus de 30 à 50 cms d’eau à l’embouchure.
A notre retour à Sao Luis, nous descendons à ‘’Portas da Amazonia’’, une pousada qui s’est établie dans un bâtiment datant de l’époque coloniale et qui est encore en restauration. Cette pousada n’est pas moins chère que les autres, mais elle est autrement plus confortable et notablement plus charmante que toutes celles où nous avons fait escale au Brésil.  

Retour à Fortaleza. Igor doit nous rejoindre après demain. Inutile de dire que j’en suis plus que ravi.

Nous faisons la connaissance de Volker, un voyageur solitaire au grand cœur qui rentre des Antilles et se dirige vers l’Argentine. Excellente soirée à bord de son catamaran ‘’Sunjet’’. Volker me fait cadeau d’un spi pour me faciliter la remontée au portant sur les Caraïbes.

Conclusion:

             Du Brésil, on retiendra un pays de contrastes extrêmes. La plus grande misère et les plus grandes fortunes cohabitent à deux pas l’une de l’autre. La nature, surabondante, flirte avec des mégapoles ultra modernes. On croirait les gratte-ciel avoir toujours fait partie de la flore. La violence extrême côtoie la plus grande gentillesse et la joie de vivre. La religion, omniprésente, fait bon ménage avec toutes sortes de débauches. La musique, présente à tout instant, offre les mêmes paradoxes: Grande richesse créative d’une part et tintamarre insupportable d’autre part.

Un séjour de quatre mois dans ce qui n’est pourtant qu’une toute petite partie du Brésil ne peut pas laisser indifférent. Non pas que l’on en ressorte plus riche, plus fort ou plus achevé, ou qu’au contraire on en sorte ébranlé, mais, à n’en pas douter, on en revient avec le sentiment d’en savoir un peu plus sur la nature profonde des relations entre l’être humain et son environnement. Les peaux les plus noires et les cheveux les plus blonds sont, au Brésil, qu’ils le sachent ou non, chargés d’une longue histoire qui continue de se faire.

Mais le Brésil, c’est aussi :


                                                   des plages…





                               … et un certain art de vivre :


                                                                











 

de l’histoire bien sûr:





de jolies rues: 




                                              













                                               et puis, surtout, la fête :






















les processions, les fanfares…







               
               







 





des vieilles américaines






et l'éternelle VW
                              

                                                                              


des bateaux:


et des pirogues:

 


                                              















de la création,




 

                et de l’utilitaire…               
                                              


                                                              











 
                                                       des villes:



mais la galère aussi :



                                              
                                                              









                                                                                           

                                             des gens:
 
            


des enfants insouciants:


et puis d'autres...

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