vendredi 7 décembre 2012

Retour aux Antilles - Dominica

16 novembre 2012. Je suis de retour à Grenada. Le bateau a beaucoup souffert de l’humidité. Heureusement, Igor m’a précédé d’une semaine et le plus gros du nettoyage est déjà fait. Une communauté de petites grenouilles s’est installée à bord. Nous décidons de les garder car elles chassent les moustiques. Nous avons également quelques gecko, ces petits lézards blancs, eux aussi friands de moustiques.
Le 22, le bateau est à l’eau et nous partons mouiller à St Georges. Le lendemain, nous sommes à Cariacou, la plus grande des îles grenadines. Bien que très fréquenté, le mouillage est tranquille. Nous rencontrons Paul, un irlandais, qui travaille dans le secteur depuis quelques années. Il se trouve que Paul a vécu six ans sur la commune de Prayssas. Décidemment, le monde est petit !
Nous repartons le lendemain matin sur Bequia. L’Admiralty Bay ne nous enchante guère et nous n’y faisons qu’une courte escale avant de remonter sur Sainte Lucie. Après une belle navigation au près bon plein dans une mer un peu agitée, nous posons l’ancre entre les deux pitons qui se trouvent au sud de la soufrière. Le décor est splendide et nous ne sommes que quatre bateaux à mouiller entre ces deux pains de sucre volcanique de 750 et 800 mètres de haut. Il est malheureux que la plage de ce site absolument superbe soit, aujourd’hui, la propriété exclusive d’un complexe hôtelier de luxe.
Le 28, nous sommes au Marin. Igor est ému de retrouver sa Martinique après quatorze mois de voyage en Amérique latine. Igor parle avec affection de ces animaux sauvages dont il s’est occupé pendant huit mois en Bolivie. Il me raconte également ses six mois d’itinérance au Pérou, en Equateur, en Colombie et au Venezuela où il vivait de son artisanat. Le 29, Igor rend visite à sa mère. Je reste à bord effectuer quelques réparations sur le bateau.     
Laurence nous rejoint le 30. Igor reste à terre pour reconstituer son compte en banque. Laurence et moi-même continuons vers le nord. Nos sentiments sont contrastés : La petite anse d’Arlet ou le mouillage de Case Pilote nous sont très agréables : Petits bourgs ‘’couleur locale’’ et poules qui courent sur la plage. L’anse Mitan, en face de Fort de France, nous donne par contre l’impression de nous trouver à la Grande Motte... Le 5 décembre, nous traversons le canal de Dominique et atterrissons à Roseau où nous apprenons que depuis 2007, le gouvernement a lancé un programme visant à transformer la Dominique en ‘’île biologique’’. Nous prenons la décision de traverser l’île à pied en suivant le ‘’Waitukubali National Trail’’. Il s’agit d’une randonnée en 14 étapes de 6 à 15 kms chacune, représentant trois à huit heures de marche quotidienne à travers les parcs nationaux et notamment celui des Trois pitons, la ‘’Central forest reserve’’, le territoire des indiens Carib et le parc du morne Diablotins. Beau trekking en perspective au travers d’une île demeurée sauvage et dont la luxuriance devrait nous combler...  
Arbres à pain, bananiers, cacaoyers, manguiers, muscadiers, papayers, caféiers, cocotiers, pamplemoussiers, citronniers, pour ne citer que les arbres à fruits, et j’en oublie certainement quantité d’autres, ont jalonnés notre première journée de marche. Que de générosité ! Mais il n’y a pas de secret : Il pleut chaque jour sur la Dominique pendant la saison sèche et je n’ose imaginer ce qu’il en est pendant la saison des pluies. Ajoutez à cela la canne à sucre, les vaches, les cochons, les poulets et bien sûr la pêche et vous comprendrez que les dominicains n’ont pas besoin de supermarchés. Nous achevons cette première journée de marche à la Soufrière : rivières d’eau chaude, émanations sulfureuse de la terre...
Le deuxième jour de marche, nous permet d’approcher la ‘’rain forest’’, esquisse d’une forêt primaire totalement préservée, mais qui reste accueillante : Les mêmes plantes que la veille en un peu plus dense. C’est une forêt sans danger (ni félin, ni quelque prédateur que ce soit, à l’exclusion du centapi, un mille pattes peu recommandable). On ne voit guère le ciel en circulant dans cette forêt mais cela a ses avantages : On y est abrité de la pluie.

Laurence dans la jungle


Nous finissons la journée à Bellevue Chopin, chez Ruby et Gordon Royer. Ce couple vit en totale autosuffisante sur une exploitation bio de 9 hectares. Rien de ce qui est consommé chez eux n’a d’autre origine que leur propre production. Une belle leçon et plein d’idées à partager..


Gordon préparant son huile à base de coco
         

     Après une nuit passée dans les hamacs, nous reprenons notre route escarpée : Six heures de dénivelés impressionnants entre des massifs volcaniques  d’environ 1000 m de haut. Fatigués, nous rentrons sur Roseau en stop et nous offrons une nuit de repos à bord du Bonaventure.      
    Quatrième étape de notre périple : Le ‘’boiling lake’’. Il s’agit d’un cratère volcanique rempli d’une eau qui boue en permanence ; La température y est, parait-il, de 180° en surface. C’est le deuxième plus grand lac de cette nature au monde. Dans un premier temps, nous devons grimper au travers d’une forêt sombre et dense. Laurence trouve que c’est une forêt de conte de fées. Je préciserais ‘’conte de fées tropical’’. Au sommet de la montagne, nous sommes dans les nuages et il fait froid. Nous redescendons sur l’autre versant pour atteindre la vallée de la désolation. Elle porte ce nom car l’omniprésence du soufre y interdit toute végétation. La vallée est traversée par des rivières d’eaux chaudes et d’eaux froides qui parfois se croisent pour donner une eau tiède. Ici et là, nous entendons le souffle du cœur de la terre s’échapper d’entre les pierres. Ailleurs, ce sont des petits bassins d’eau en ébullition. Mieux vaut faire attention où l’on met les pieds car le sol n’est pas toujours meuble et dessous, c’est au choix la cocotte minute ou l’enfer ‘affaire d’imagination). Après trois heures de marche, nous atteignons enfin le ‘’boiling lake’’. Je ne saurais le décrire mieux que Laurence qui parle d’un voyage au centre de la terre.

Boiling lake


                Le lendemain, nous partons en territoire Carib (Kalinago, pour être précis et ménager les susceptibilités) où nous visiterons Max, un martiniquais, seul étranger accepté par la communauté indienne, sans doute parce qu’il a su respecter les traditions des anciens. Ici, la terre n’appartient à personne. Seul ce que tu produis t’appartient. Max nous fait découvrir les techniques agricoles et la pharmacopée locale, mais notre escale est bien brève et je me promets d’y revenir. Au petit matin, nous faisons bouillir du lait de coco et quelques fèves de cacao et nous prenons la route non sans avoir absorbé une grande décoction de gingembre.

Le fils de Max

L’après midi, nous descendons en stop jusqu’au lieu-dit Délices, avec l’intention de nous rendre à Victoria Falls, la plus grande cascade de l’île. En arrivant,  nous prenons l’apéro avec les vieux du village. Nous sommes une douzaine de personnes dans un bar de 15m2 et l’ambiance est chaude. Le soir, nous sommes hébergés par Moses (Moïse), un rasta chez qui nous mangeons Ital dans des calebasses en utilisant des cuillères en noix de coco. Nous sommes maintenant sortis de Babylone et avons rejoint Zion Valley pour une soirée de rêves. Dans les années 70, les rastas ont été persécutés. En 1974, la loi ‘’Dread Act’’ autorisait les citoyens à tirer à vue sur les rastas. Ces derniers se réfugièrent en forêt, un peu comme les Kalinago le firent quelques siècles plus tôt. Aujourd’hui, les vieux rastas fument toujours l’herbe de sagesse, mais leurs petits enfants sont scotchés sur un écran. Mondialisation !












Moses & ses petits enfants


Le matin, nous buvons du thé de cannelle et quittons Zion Valley pour une marche non balisée de sept heures à travers la montagne. Nous y traverserons des dizaines de rivières (sans doute vingt ou vingt cinq) toutes plus belles les unes que les autres. Un véritable jardin d’Eden ! Le soir, nous sommes de retour à Roseau où le Bonaventure nous attend sagement.
                A ceux que cela intéresse, je recommande trois ouvrages intitulés ‘’Fleurs et jardins tropicaux’’, ‘’Fruits des tropiques’’ et ‘’Plantes médicinales’’ qui peuvent être commandés sur le site http://www.exbrayat.com
                Le 17 décembre, nous redescendons sur St Pierre en Martinique pour y livrer les calebasses Carib que Max nous avait confiées dans la perspective des marchés de Noël. La traversée se fait sans vent. St Pierre est une petite ville bien triste qui paraît à l’abandon. Le 18 décembre, nous décidons de faire l’ascension du mont Pelée. Malheureusement, le sommet est dans les nuages et la visibilité nulle. L’après midi, nous reprenons notre route vers le sud : Jolie brise par le travers de la baie de Fort de France. Nous progressons bon plein à 7 nœuds et mouillons à 18h00 devant le bourg d’Arlet, le plus joli mouillage de la côte sous le vent où nous ayons eu l’occasion d’escaler en Martinique. Nous poursuivons ensuite jusqu’au Marin pour effectuer les pleins d’eau et de gasoil. Le 20 décembre, Laura arrive par avion et nous repartons aussitôt mouiller devant la grande anse d’Arlet. Soirée reggae...Le vent souffle grand frais dehors et je ne suis pas mécontent d’être à l’abri.    
                Ballade sur la presqu’île de la Caravelle, puis le long du canal de Beauregard, appelé aussi canal des esclaves car il fût construit en 1760 par des esclaves pour alimenter les distilleries du Carbet. Des arbres magnifiques (fromagers, gommiers rouges) le long du parcours.

                Le 25 décembre, Laurence doit rentrer en France.
Elle cache pudiquement sa tristesse que je partage. Ce furent des vacances bien courtes. Le lendemain matin, nous reprenons la route vers le nord. A bord, Laura, Igor et Caroline, une jeune bateau stoppeuse. Nous transportons des denrées alimentaires pour la Dominique avec l’intention de les livrer à Max.   

Commentaires de l'équipage:

Igor: ''Lucky me, I've been there for a while. It's probably the wilder island in West Indies. There are flowers, fruits, thousand kind of trees, and it's really cultural with real Rastafarism, real bushmen. You can eat real Ital food there. Everybody is so nice ansd smilly. There are trails and waterfalls everywhere. It's one of my prefered place in this world. Dominica, nothing hearts, everything beautiful'' 



Laura: ''La Dominique est une île vraiment magnifique où la végétation est présente partout et d'une diversité incroyable. Il suffit de quelques kilomètres pour sortir de la ville et rentrer dans la jungle où seuls quelques rares rayons du soleil traversent les feuilles des immenses arbres. Les gens sont accueillants et très zen. Beaucoup sont en harmonie avec la nature et malgré la différence de langue, j'ai réussi à communiquer et passer un bon moment avec eux sur cette île paradisiaque aux cascades d'une gigantesque puissance'' 



Caroline:  ''Pieds nus dans le Zion ou attablés devant une Kubuli, l'île aux 365 rivières a su nous montrer ses délices. Jardin d'eden caché des yeux du monde, il suffit de tendre la main pour goûter à tes merveilles. Le peuple que tu héberges est à ton image: Doux, franc et généreux. Le voyageur qui se perd sur tes sentiers n'a pas fini d'être surpris.''
 

mercredi 25 avril 2012

De retour à Trinidad

Le 25 janvier 2012, je suis de retour à Chaguaramas. La saison des pluies est passée par là et je retrouve le bateau couleur ‘’Degrad de Cannes’’. Pour ceux qui ont fait escale dans ce port, il est inutile que je m’étende. Les autres  essaieront d’imaginer la tête du skipper qui, six mois plus tôt, laissa le pont de son bateau fraîchement repeint en blanc et qui le retrouve habillé d’un fort jolie dégradé allant du vert bouteille au vert caca d’oie. Les cordages, le cadran du sondeur, le compas sont parfaitement assortis, entre couleur vieil armagnac et pur malt. Igor et moi même avions pourtant pris soin de bâcher la totalité du bateau. Il me faudra une journée entière pour en venir à bout. Fort heureusement, nous avions pris soin de faire installer un climatiseur à l’intérieur et le bateau est resté sain.

Je me donne une semaine avant de remettre le bateau à l’eau. En priorité, réparer  le régulateur d’allure car, lors de notre arrivée à Trinidad, la rotule de transmission sortait constamment de sa fourchette. Je dois impérativement régler ce problème pour pouvoir naviguer seul.

La situation météo n’est pas brillante. Les hautes pressions, au dessus du 20° nord maintiennent un alizé soutenu qui souffle du NE et cela ne fait pas du tout mon affaire car la mer, également de NE, est agitée, voire forte par endroit. Remonter au 255° sur Grenade me ferait naviguer bon plein, mais je dois tenir compte de la dérive du vent et du courant et je vais donc devoir affronter au près une mer qui s’est creusée au fil des jours. Je rencontre une femme qui vient d’effectuer le trajet avec un 47’. Toutes voiles dehors, il lui a fallu 26 heures pour parcourir les 80 MN qui séparent Trinidad de Grenade. Je croise les doigts pour que la mer ne soit pas trop agitée lorsque ce sera à mon tour d’y aller..

Le 2 février, je décide de partir coûte que coûte. A 15h00, le bateau est à l’eau, mais à 15h30, je constate une voie d’eau importante sur l’arrière. Je suis obligé de remettre le bateau à sec. Me revoilà au point de départ!

Bloqué à terre, j’assiste aux préparatifs du carnaval. Un concours entre ‘’steel bands’’  est organisé. C’est un spectacle tout à fait étonnant avec des dizaines de groupes composés de trente, quarante, voire cinquante musiciens ou plus. Je n’imaginais pas que l’on puisse obtenir des sons aussi harmonieux avec des drums, mais ces derniers sont savamment accordés. C’est à partir de barils de pétrole usagés qu’est née cette tradition musicale après guerre. Les steel-bands interprètent des calypsos, du jazz, des morceaux de pop-rock et même de la musique classique. Je n’en reviens pas.

Une nouvelle semaine est consacrée aux travaux de soudure. Un soir, j’assiste, à Port of Spain, à un défilé de costumes de carnaval. Véritables allégories, ces costumes peuvent atteindre plusieurs mètres de diamètre ou de hauteur. Chacun d’entre eux raconte une histoire, représente un lieu ou un animal. Impressionnant !



                                  A ‘’queen’’ présentant son costume lors des épreuves préliminaires


Cela fait quinze jours maintenant que je suis à Chaguaramas et je sais d’ores et déjà qu’il ne me sera plus possible de rejoindre la Martinique avant l’arrivée de Laurence. J’essaie de rester philosophe et de prendre les choses telles qu’elles se présentent. Je sais que la vie en bateau n’est pas compatible avec les congés payés. J’en fais une nouvelle fois l’expérience.

Le 19 février, Laurence et Laura me rejoignent à Trinidad. Le 20, nous sommes dans les rues de Port of Spain pour assister à ce qui est considéré comme un des plus beaux carnavals au monde. L’ambiance est bonne enfant.

Le 21, à midi, nous appareillons. Les conditions sont bonnes (jolie brise, mer peu agitée), mais un fort courant traversier d’Est nous empêche de tenir notre cap. Le 22, à 4h00 du matin, nous affalons les voiles et reprenons le bon cap au moteur. La mer devient agitée, courte, avec une houle croisée de NE et d’ENE et notre progressions devient difficile. Nous prenons de l’eau par le presse étoupe. Nous atteignons Grenade à 16h00. Le bateau est couvert de sel, Laurence est épuisée, Laura a été malade tout le trajet.

La réparation du presse étoupe s’avère impossible à St Georges où il n’y a pas de moyen de levage pour sortir le bateau. Nous décidons de nous rendre à Saint David’s au sud est de Grenade. La côte sud est très dentelée, constituée de fjords et de presqu’îles. A notre arrivée, nous sommes charmés. Saint David’s est un petit chantier peu fréquenté mais correctement équipé, au fond d’une petite calanque : Jolie plage de cocotiers, bistrot sous une jolie véranda... Que n’ai-je connu cet endroit plus tôt pour y effectuer mes travaux ? Le 25, nous louons une voiture et faisons le tour de l’île. Nous en profitons également pour faire une magnifique randonnée jusqu’au mont ''Qua  Qua'' qui domine ‘’Grand Etang’’, un ancien cratère volcanique. Toute l’île est magnifiquement fleurie de balisiers, de roses de porcelaine et couverte d’une grande variété d’arbres tropicaux : Les magnifiques arbres du voyageur, les bananiers et les cocotiers bien sûr, ainsi que  tous les arbres à épices. L’atmosphère générale s’en ressent : Les gens sont d’une grande gentillesse. Il est par contre préférable d’éviter la côte sud ouest où se concentre la grande majorité des touristes. Je décide de rester à Saint David’s pour parfaire la préparation du bateau.






Le 2 mars, je dépose Laurence et Laura à l’aéroport. Leurs vacances ont été courtes, mais je crois que nous avons fait le bon choix en restant à Grenade. Laurence a pu se reposer. Nous prenons date pour le mois de novembre, lorsque Laurence aura un mois complet de vacances,  de manière à ce qu’elle puisse profiter des petites Antilles et de ses eaux cristallines. J’ai de toute façon renoncé à convoyer le bateau jusqu’au Honduras cette année et tant qu’à rester sur les Antilles, autant se trouver en dehors de la route la plus probable des cyclones. A vrai dire, mes sentiments sont assez partagés : D’un coté, je ne me sens actuellement aucune velléité de voyageur solitaire. D’un autre coté, la perspective de désarmer le bateau alors que je n’ai quasiment pas navigué cette année ne m’enchante guère. Je reste sur ma faim et tente de me consoler en pensant aux travaux de campagne qui m’attendent en France, au printemps qui sera bientôt là.

                Le 6 mars au soir, après quatre jours de lavage, rinçage, séchage, vissage, ponçage, vernissage, et autres ouvrages divers et variés qui vont de la vidange à la peinture des fonds, maints contrôles dans chaque recoin du bateau, je me prépare à rentrer. Je m’inquiète surtout de la prochaine saison des pluies et de l’absence notoire d’aération. Comment vais-je retrouver le bateau dans six mois ?  

Trinidad


Sept jours de mer pour rejoindre Trinidad. Lorsque les étapes sont trop longues, on finit par vraiment s’ennuyer en mer, même avec une bonne provision de bouquins. Si, de surcroît, les conditions météo ne sont pas excellentes, cela devient usant. Nous avons parcouru 2 500 miles en deux mois, dont plus de 1 600 miles sur le seul mois de mai, début de la saison des pluies qui nous accompagne depuis Salvador. La monture et son cavalier sont fatigués et il est grand temps de s’arrêter.

L’arrivée à Trinidad se fait dans de bonnes conditions. Nous sommes accueillis par des centaines de pélicans dans la ‘’Boca de Monos’’.

A Chaguaramas, l’ambiance est assez ‘’british’’. Nous sommes dans une base logistique presqu’exemplaire, chère, mais les prix sont en grande partie justifiés. Il faut juste faire attention lorsqu’on vous annonce un prix en dollars. S’agit-il de dollars US ou de dollars TT? Selon l’expression de votre visage, le prix peut varier dans un rapport de un pour six. Notre yard jouxte celui de bases logistiques pétrolières, celle de BG avec qui j’ai signé en Tunisie, il y a deux ans, un contrat de trois ans pour le compte de mon ancien employeur; celle de H&P, dont nous avions ‘’rentré’’ le rig quelques temps avant, ou celles de BHP, cette entreprise minière australienne dont j’étais l’agent à Port Gentil. Je les avais revus en Mauritanie, mais ils n’avaient pas besoin de mes services. J’ai également noté la présence de Tidewater dont nous avions les bateaux en agence au Gabon. Je fais la tournée pour voir si je peux trouver du boulot. Peine perdue.
Trinidad fut une colonie britannique jusqu’en 1962 et nous sentons que nous ne sommes plus en Amérique latine. Il ne reste sur la carte marine que quelques signes de la présence française dans cette partie des Antilles (XVIIIème siècle): ‘’Mal d’estomac bay’’, ‘’Morne chaleur’’, ‘’Petit bourg’’..  A Chaguaramas, la population est principalement  d’origine africaine ou asiatique (hindous). On y parle quantité de langues différentes, mais c’est un anglais bien créolisé qui s’affiche sur le chantier, ce qui rend bien service à Igor. Du coup, il nous est, à priori, plus facile d’entrer en relation avec les ouvriers ou les gardes que de côtoyer d’autres navigateurs. C’est ‘’Yeah Man’’  pour Igor, et ‘’Hi Father’’, pour moi…Nous faisons toutefois la rencontre de Gérard, skipper méticuleux et d’une grande gentillesse. Nous passons deux ou trois bonnes soirées ensemble.. A cela s’ajoutent quelques retrouvailles assez brèves : L’équipage de Bella Chiao que nous n’avions pas revu depuis les Canaries, Elias qui a fait route directe depuis Fortaleza, Daniel qui nous arrive de Jacaré, Alexandre, croisé à Dégrad des cannes…  

Nous mettons le bateau à sec dès le lendemain de notre arrivée pour un sablage de la coque. S’en suivent trois couches de primaire et toute une série de travaux (Révision et mise en hivernage du moteur, changement d’arbre d’hélice, contrôle de la tension des haubans etc)… Chaleur..

Après une semaine passée le pinceau à la main,  nous nous offrons un week-end de ballade. La cascade de ‘’Blue Basin River’’ mérite que l’on s’y arrête quelques heures. C’est ce que nous ne manquerons pas de faire.  Nous poussons ensuite jusqu’à ‘’Blanchisseuse’’ où nous pourrons assister au ‘’Ganga Dhaara River Festival’’, une manière de se purifier dans le Gange pour tous ces hindous loin de chez eux.


Ganga Dhaara River Festival :




   Nous poursuivons ensuite jusqu’à Brasso Seco: Paysages de montagnes et de forêts tropicales.. La route est mauvaise et nous ne rencontrerons aucune voiture. Nous finissons notre périple à pied pour atteindre une magnifique cascade. Nous y sommes seuls bien que ce soit le week-end.




Nous quittons Trinidad le 20 juin, travail inachevé, travail rendu impossible par la saison des pluies.

La Guyane française

La Guyane :

Il nous aura fallu neuf jours pour faire le trajet Fortaleza – Cayenne.  Neuf jours que nous avons la plupart du temps passés l’échine courbée sous des déluges de flotte. Ce voyage fût assez pénible et long. Le courant nous était favorable, mais nous avions du petit temps et la carène du bateau était très sale. Il a donc fallu se contenter d’une moyenne de 100 miles nautiques par jour. C’est au large de l’Amazone que les conditions météo furent les plus désagréables: Déluge sur le pont, manque d’air et à l'intérieur... Heureusement, nous avions la bonne humeur d’Igor.

Plus encore que le voyage, l’arrivée fut décevante. Je tenais absolument à remonter l’Oyapok jusqu’à St Georges car ce fleuve reste extrêmement peu fréquenté, et je l’imaginais comme une petite Amazone pénétrant la forêt primaire équatoriale. Malheureusement nous allons être éjectés par un courant de jusant extrêmement puissant. Nous aurions du mettre le moteur dès notre arrivée sur Cabo Orange, mais au lieu de cela nous avons effectué des dizaines de virements de bord, pendant plus de huit heures et ce, sans aucun résultat. Sans cesse, le courant nous portait au NE alors que nous devions aller au SW. De 3h00 à 9h00 du matin, je mis cela sur le compte de la marée descendante, mais lorsque la marée s’inversa, je fus bien obligé de constater que le courant nous repoussait toujours. Nous avons dû renoncer. Nous étions tous très fatigués de ces neuf jours de navigation et pour ne pas arriver de nuit avec un courant de marée défavorable, nous avons fini par mettre le moteur et filer sur Degrad des Cannes. La remontée du fleuve Mahury fut interminable, mais le soir du 12 mai, nous étions à Cayenne.

La ville nous a séduits et nous nous réjouissions du mixage des populations surinamaise, haïtienne, brésilienne, hmong, chinoise et autres venues compléter un tableau déjà largement hétérogène constitué des créoles (copieux métissage d’anciens esclaves africains, d’hindoustanis, d’européens, de chinois et de brésiliens), et bien sûr des ethnies amérindiennes. Nous déchanterons assez vite en réalisant qu’il n’existe quasiment aucun pont entre ces communautés et en déplorant que la population guyanaise et ‘’métro’’ soit exclusivement constituée de fonctionnaires. La Guyane, c’est aussi l’incompétence, le clientélisme, la corruption et une myriade de soldats, de policiers et de gendarmes. Il ne me faudra pas plus d’une journée pour me rappeler que nous sommes en France: Degrad des cannes étant très isolé, il nous fallait louer une voiture et ...mettre la ceinture…Ce retour en France me coûtera trois points...  Par ailleurs, l’humidité est à son maximum et le bateau souffre. A Degrad des cannes, la moisissure recouvre tous les bateaux, même lorsqu’ils tentent vainement de s’abriter sous des bâches plastiques. Ceux qui sont installés là depuis longtemps ont installé la climatisation à bord. L'ambiance n'est pas au beau fixe.. 

Nous rencontrons Erwan, un ancien para devenu membre de la Compagnie des Guides de Guyane. Sa connaissance du terrain et son intérêt pour la faune et la flore amazonienne nous laissent penser que la Guyane mériterait que l’on s’y attarde, mais la saison de pluies, le coût de la vie et la présence de la gendarmerie française nous incitent à partir au plus vite. Nous assistons tout de même au 202ème  lancement d’Ariane à Kourou, mais le 22 mai, Laurence et Laura repartent sur la France en avion.
Petit commentaire sur la Guyane :

Pour les naturalistes, la Guyane est sans doute l’une des zones les plus riches en biodiversité de toute l’Amazonie. Elle est reconnue pour être la région forestière du monde restée la plus intacte et la plus inhabitée.
Par un arrêté préfectoral de 1970, environ 30 000 km2 de forêt du sud (sur environ 90 000 km2 de forêt au total) ont été soustraits au voyeurisme malsain des touristes pour protéger les indiens des germes microbiens véhiculés par ‘’l’ethno-tourisme’’. Malheureusement, l’éco-business de certains ‘’protecteurs’’ de la nature (U.I.C.N. et W.W.F. entre autres) qui ne sont  pas, on s’en doute, à un génocide culturel près, a tout fait pour revenir sur ces dispositions.  Les ministères de l’environnement qui se sont succédés depuis le milieu des années 90 n’ont cessé de travailler sur le projet d’un grand parc national chez les indiens, alors que ces derniers n’avaient de cesse de répéter qu’ils ne voulaient pas de tourisme chez eux.
Un faux parc national (puisque l’exploitation des mines d’or se poursuit), et véritable zoo humain (invasion de l’ethno-tourisme au sein de communautés extrêmement pudiques), verra finalement le jour en 2007. Les amérindiens n’auront que trois représentants sur les quarante trois membres du Conseil d’Administration de ce parc. L’un d’entre eux s’est récemment suicidé…
Depuis, les choses ont continué de s’aggraver. La circulation des individus est notoire, des dizaines de milliers d’orpailleurs clandestins travaillent en plein cœur de la zone qui était autrefois protégées et les raisons sanitaires invoquées par l’arrêté de 1970 sont maintenant jugées obsolètes.
Il ne manquait plus, pour achever ce désastre qu’une décision de Nicolas Sarkozy. Ce fut chose faîte en février 2008. Les 8 millions d’hectares qui constituaient l’une des forêts tropicales les plus riches du monde ont été livrées aux sociétés minières avides d’un or qui, en période de crise, a quadruplé sa valeur.  

Igor et moi-même quittons Degrad des cannes le 24 à destination des îles du Salut. Nous effectuons la traversée sous spi et arrivons au coucher du soleil sur la baie des cocotiers. Nous sommes seuls au mouillage.



                                               Notre spi, cadeau de Volker


Le lendemain matin, nous visitons ce qui fut un bagne jusqu’en 1946. Albert Londres écrivait ‘’Ils ont mis l’enfer au paradis’’. Aujourd’hui, il ne reste que le paradis. De fait, les trois îles du Salut que sont l’île Royale, l’île St Joseph où l’on enfermait les prisonniers politiques et l’île du Diable, de sinistre réputation, sont aujourd’hui trois adorables petites îles couvertes de cocotiers et il est difficile d’imaginer que ces lieux aient pu constituer un enfer pour des milliers de détenus. Ce n’est qu’après avoir visité les cellules que l’on commence à se faire véritablement une idée de la chose. Faut-il que les hommes soient à ce point monstrueux !

Le temps est relativement beau depuis deux jours, ce que nous apprécions tout particulièrement en cette saison des pluies. Un coq poursuit un agouti. Igor donne à manger à des perroquets. Nous voyons des iguanes et des macaques capucins. Après midi de farniente car, demain, nous repartons pour plus de 600 miles. Le soir, nous nous faisons attaquer par un magnifique perroquet rouge et bleu qui en veut tout particulièrement à mes orteils. Il nous fait reculer au-delà d’une zone qu’il juge être son territoire…


mercredi 18 avril 2012

Encore quelques semaines au Brésil

Départ de Salvador

Sept jours de voyage jusqu’à Jacaré, dont quatre jours avec le vent de face et un fort courant contraire. Nous mouillons au terme de la quatrième nuit derrière la barrière de récifs de Praia do Francès, au sud de Maceio. Petit surf sur la vague et virage à 90° derrière la barrière: Impressionnant ! La marée monte et bientôt la mer recouvre le récif.. Nous y laisserons une ancre. Les deux derniers jours se font sous jolie brise de travers.

                                                       Mouillage derrière la barrière de récifs de Praia do Francès

       
A Jacaré, nous retrouvons Daniel sur son ‘’Goyave’’ et quelques autres bateaux de notre connaissance. Soirées barbecue...  

Arrive ensuite le ‘’Balthazar’’, un plan Garcia de 53’. Le bateau rentre d’Antarctique. Chapeau bas à cet équipage de trois hommes dont le plus jeune à 68 ans et l’ainé 80 ans.
        
Je ne dispose d’aucune indication concernant la passe permettant d’entrer dans la lagune Guarairas. Même chose concernant  le rio Preguiças dans le parc national dos Lençois Maranhenses. La région est absolument magnifique, mais elle reste assez inhospitalière pour les quillards. Nous aurions également souhaité nous rendre à Sao Luis, même si cela nous obligeait à longer la côte et devait considérablement rallonger notre route, mais il semble que les braquages de bateaux s’y multiplient. Ce sont toujours des braquages à mains armées. Nous décidons donc de faire route sur Fortaleza où nous laisserons le bateau quelques temps pour explorer la région du Ceara. Nous ferons ensuite route directe sur la Guyane. Cela tombe bien car le propriétaire du ‘’Balthazar’’ vient de Kourou. Il était responsable du projet Ariane avant de prendre sa retraite.  C’est ainsi que j’apprends que, peu après l’embouchure de l’Oyapock, se trouve une rivière que borde le petit village d’Ouanary. Le mouillage est possible à proximité du village. L’Oyapock n’a pas été complètement hydrographié et la navigation y est réputée difficile et dangereuse, mais jusqu’à Saint Georges, situé à 30 M de Cabo Orange, on peut y naviguer avec un tirant d’eau voisin de 4 m. Cette rivière qui se trouve près de l’embouchure ne devrait pas nous poser de problème. Le fleuve présente une période de hautes eaux de février à juin, avec un pic en mai, au moment de la saison des pluies. Cela devrait donc être relativement facile.

Fortaleza :

Nous mettrons trois jours pour effectuer les 360  miles qui nous séparent de Fortaleza. Saison des pluies, proximité de l'Amazone ou pot au noir ? Je me demande. Le fait est que nous allons prendre quelques douches! Le ciel restera bouché pendant la quasi-totalité du parcours, les grains et les averses se succéderont. La nuit, on ne voit pas à dix mètres. Je n’ai jamais navigué dans une telle obscurité ! Impression d’être aveugle. Je croise les doigts pour ne pas couper en deux un petit bateau de pêche.

En arrivant sur Fortaleza, nous croisons des dizaines de jangadas, ces embarcations traditionnelles en bois qu’utilisent les pêcheurs dans le nord-est. A la différence des saveiros que l’on rencontre à Bahia, la plus grande voile est taillée en pointe. 


                          Jangada

Fortaleza, c’est en premier lieu Marina Park. Il nous appartient de pomper l’eau qui se trouve dans les caissons flottants auxquels nous sommes amarrés, faute de quoi ils couleraient tant ils sont rouillés, percés et prennent l’eau. Les câbles électriques, non protégés, baignent dans l’eau. Le gestionnaire de la marina veut nous facturer vingt réals de l’heure pour un accès internet. Marina Park est la marina la plus chère et la plus dégradée que nous ayons trouvé depuis notre départ d’Europe, mais nous n’avons pas vraiment le choix, sauf à reprendre la mer.

Nous rencontrons Elias, le ‘’phénicien’’ qui remonte son 43 pieds sur Trinidad pour le vendre. L’entretien de ce bateau est devenu trop lourd pour lui en regard de la pension de retraite dont il dispose à présent. Ancien restaurateur en Sicile, il nous invite à dîner à son bord. Nous rencontrons également trois jeunes sud africains qui assurent le convoyage d’un catamaran tout neuf sur la Floride. Ils arrivent de Capetown et leur dernière escale fût St Héléne. Nous laissons Laura à bord et partons tous les six (Elias, nos trois gaillards, Laurence et moi) nous promener en bord de mer. L’avenue Beira Mar est extrêmement vivante après minuit. Elle offre la plus grande concentration de prostituées qu’il m’est été donné de voir. La plupart sont jolies, ce qui est étonnant au Brésil où nous avions surtout vu des filles obèses. Excellente soirée pour tout le monde. Certains ne rentreront à leur bateau qu’à 9h00 du matin.  Le lendemain, nous nous retrouvons tous les six sur le bateau d’Elias pour un barbecue qui s’achève à la nuit tombante, puis nous allons passer la soirée à Dragao do Mar, un quartier culturel fort sympathique. Concert de musique rock brésilienne, petits bistrots, un endroit idéal pour des soirées tranquilles. Bientôt, nous ne sommes plus que trois bateaux habités à Marina Park. Elias est toujours là. Il ne partira que dans deux jours, mais il y a aussi le ‘’Garlaban’’, lui aussi sur le départ. Ce bateau de 27 mètres en acier était le bateau de Paul Ricard. C’est sa première traversée de l’Atlantique. Jacky, son propriétaire, nous invite à bord pour l’apéro. Beaujolais !

Il pleut des trombes sur Fortaleza qui a pourtant la réputation de bénéficier d’un taux d’ensoleillement exceptionnel. Le soir, on se retrouve ‘’O Pirata’’ connu pour être l’un des endroits les plus animés d’Amérique latine. Nous sommes déçus. C’est une boîte en plein air, mais c’est une boîte comme les autres et le spectacle est affligeant.

Un à un les bateaux s’en vont et nous restons le seul voilier habité à Marina Park. Nous sommes mi-avril et la saison des pluies est bien établie. Avant de partir, Garlaban nous a laissé une aussière de 100 m de long en 25 mm de diamètre. C’est une chance car la nuit suivante, le ponton auquel nous étions amarrés se retrouve sous l’eau.

Parc dos Lençois Maranhenses :

Nous laissons le bateau à Fortaleza pour nous rendre à Sao Luis en car. Partis à 19h00, nous arrivons à Teresina à 6h00 du matin. Nous avons quitté l’état du Ceara, pays des vachers et du cuir, laissé derrière nous l’état du Piaui et nous abordons maintenant le Maranhao. L’humidité est très importante et la végétation très dense. Il fait 28° alors que le jour se lève à peine. La terre est rouge. En fait, nous n’avons pas encore vu la sécheresse dont on nous parle tant et qui justifie l’exode rural depuis des décennies. Partout, ce n’est que végétation luxuriante, immenses fazendas, petits hameaux construits de terre au milieu de gigantesques palmeraies. Ces dernières s’étendent à perte de vue sur des centaines de kilomètres. Marrakech ou Tozeur ne jouent manifestement pas dans la même division. J’imagine qu’au-delà de la sécheresse, c’est la monopolisation des terres par une toute petite minorité qui explique l’exode des paysans. Il faut également considérer l’attrait que suscitent les villes. Partout dans le monde, elles aspirent la jeunesse comme un aimant.

Nous arrivons à Sao Luis le jour de Pâques. Les rues de la ville coloniale sont désertes. Nous en profitons pour visiter le centre historique qui vaut vraiment le détour. Quelques hôtels particuliers ou bâtiments publics ont été restaurés mais il reste beaucoup à faire.

Vue dominante sur le rio Anil et Ponta d’Areia. On ne regrette pas d’avoir laissé le bateau à Fortaleza car ici la mer se retire sur des kilomètres. Les moustiques sont au rendez vous. Il faut dire qu’à l’exception de l’Amazone, c’est à Sao Luis que les marnages sont les plus importants au Brésil : 7 mètres de hauteur en moyenne avec des courants de marée qui atteignent régulièrement les 6 nœuds. C’est d’ailleurs à cause de ces marées que nous ne pourrons visiter Alcantara qui fut, au XIIIème siècle, plus importante que Sao Luis.

Le lendemain, nous partons sur le parc de Lençois Marahenses. Le parc n’est qu’à quatre heures de route, mais nous avons déjà dix neuf heures de car dans le dos.   A mesure que nous progressons, la végétation reste dense, mais la terre rouge est remplacée par du sable. L’habitat, toujours constitué de petites maisons de terre ou de briques recouvertes de feuilles de palmiers est de plus en plus éparse. Les marécages se font nombreux. Nous traversons de jolis rios dont l’eau est aussi rouge que celle que nous avions trouvée dans la Chapada Diamentina. Le métissage semble emprunter davantage de l’indien que de l’africain. A partir de Barreirinhas, nous devons emprunter une piste de sable en 4X4. Elle n’est pas sans nous rappeler la piste que nous suivions au Gabon pour rejoindre Ouzouri. Il faut régulièrement descendre de voiture pour s’assurer que les marigots ne sont pas trop profonds et que le sable reste meuble. Nous arrivons enfin au cœur du parc de Lençois. Le spectacle de ‘’lagao’’ d’eau de pluie au milieu des dunes de sable est tout à fait saisissant. Surprenante nature qui nous offre ces drapés sahariens et, de ci, de là, des étendues d’eau douce d’une clarté étonnante.




Le lendemain, nous remontons en pirogue le rio Preguiças, celui là même que nous ne pouvons emprunter avec le Bonaventure à cause de notre tirant d’eau. D’un coté la mangrove, de l’autre les dunes de sable ! Nous arrivons au phare de Mandacaru où l’on me confirmera qu’il n’y a pas plus de 30 à 50 cms d’eau à l’embouchure.
A notre retour à Sao Luis, nous descendons à ‘’Portas da Amazonia’’, une pousada qui s’est établie dans un bâtiment datant de l’époque coloniale et qui est encore en restauration. Cette pousada n’est pas moins chère que les autres, mais elle est autrement plus confortable et notablement plus charmante que toutes celles où nous avons fait escale au Brésil.  

Retour à Fortaleza. Igor doit nous rejoindre après demain. Inutile de dire que j’en suis plus que ravi.

Nous faisons la connaissance de Volker, un voyageur solitaire au grand cœur qui rentre des Antilles et se dirige vers l’Argentine. Excellente soirée à bord de son catamaran ‘’Sunjet’’. Volker me fait cadeau d’un spi pour me faciliter la remontée au portant sur les Caraïbes.

Conclusion:

             Du Brésil, on retiendra un pays de contrastes extrêmes. La plus grande misère et les plus grandes fortunes cohabitent à deux pas l’une de l’autre. La nature, surabondante, flirte avec des mégapoles ultra modernes. On croirait les gratte-ciel avoir toujours fait partie de la flore. La violence extrême côtoie la plus grande gentillesse et la joie de vivre. La religion, omniprésente, fait bon ménage avec toutes sortes de débauches. La musique, présente à tout instant, offre les mêmes paradoxes: Grande richesse créative d’une part et tintamarre insupportable d’autre part.

Un séjour de quatre mois dans ce qui n’est pourtant qu’une toute petite partie du Brésil ne peut pas laisser indifférent. Non pas que l’on en ressorte plus riche, plus fort ou plus achevé, ou qu’au contraire on en sorte ébranlé, mais, à n’en pas douter, on en revient avec le sentiment d’en savoir un peu plus sur la nature profonde des relations entre l’être humain et son environnement. Les peaux les plus noires et les cheveux les plus blonds sont, au Brésil, qu’ils le sachent ou non, chargés d’une longue histoire qui continue de se faire.

Mais le Brésil, c’est aussi :


                                                   des plages…





                               … et un certain art de vivre :


                                                                











 

de l’histoire bien sûr:





de jolies rues: 




                                              













                                               et puis, surtout, la fête :






















les processions, les fanfares…







               
               







 





des vieilles américaines






et l'éternelle VW
                              

                                                                              


des bateaux:


et des pirogues:

 


                                              















de la création,




 

                et de l’utilitaire…               
                                              


                                                              











 
                                                       des villes:



mais la galère aussi :



                                              
                                                              









                                                                                           

                                             des gens:
 
            


des enfants insouciants:


et puis d'autres...