vendredi 7 décembre 2012

Retour aux Antilles - Dominica

16 novembre 2012. Je suis de retour à Grenada. Le bateau a beaucoup souffert de l’humidité. Heureusement, Igor m’a précédé d’une semaine et le plus gros du nettoyage est déjà fait. Une communauté de petites grenouilles s’est installée à bord. Nous décidons de les garder car elles chassent les moustiques. Nous avons également quelques gecko, ces petits lézards blancs, eux aussi friands de moustiques.
Le 22, le bateau est à l’eau et nous partons mouiller à St Georges. Le lendemain, nous sommes à Cariacou, la plus grande des îles grenadines. Bien que très fréquenté, le mouillage est tranquille. Nous rencontrons Paul, un irlandais, qui travaille dans le secteur depuis quelques années. Il se trouve que Paul a vécu six ans sur la commune de Prayssas. Décidemment, le monde est petit !
Nous repartons le lendemain matin sur Bequia. L’Admiralty Bay ne nous enchante guère et nous n’y faisons qu’une courte escale avant de remonter sur Sainte Lucie. Après une belle navigation au près bon plein dans une mer un peu agitée, nous posons l’ancre entre les deux pitons qui se trouvent au sud de la soufrière. Le décor est splendide et nous ne sommes que quatre bateaux à mouiller entre ces deux pains de sucre volcanique de 750 et 800 mètres de haut. Il est malheureux que la plage de ce site absolument superbe soit, aujourd’hui, la propriété exclusive d’un complexe hôtelier de luxe.
Le 28, nous sommes au Marin. Igor est ému de retrouver sa Martinique après quatorze mois de voyage en Amérique latine. Igor parle avec affection de ces animaux sauvages dont il s’est occupé pendant huit mois en Bolivie. Il me raconte également ses six mois d’itinérance au Pérou, en Equateur, en Colombie et au Venezuela où il vivait de son artisanat. Le 29, Igor rend visite à sa mère. Je reste à bord effectuer quelques réparations sur le bateau.     
Laurence nous rejoint le 30. Igor reste à terre pour reconstituer son compte en banque. Laurence et moi-même continuons vers le nord. Nos sentiments sont contrastés : La petite anse d’Arlet ou le mouillage de Case Pilote nous sont très agréables : Petits bourgs ‘’couleur locale’’ et poules qui courent sur la plage. L’anse Mitan, en face de Fort de France, nous donne par contre l’impression de nous trouver à la Grande Motte... Le 5 décembre, nous traversons le canal de Dominique et atterrissons à Roseau où nous apprenons que depuis 2007, le gouvernement a lancé un programme visant à transformer la Dominique en ‘’île biologique’’. Nous prenons la décision de traverser l’île à pied en suivant le ‘’Waitukubali National Trail’’. Il s’agit d’une randonnée en 14 étapes de 6 à 15 kms chacune, représentant trois à huit heures de marche quotidienne à travers les parcs nationaux et notamment celui des Trois pitons, la ‘’Central forest reserve’’, le territoire des indiens Carib et le parc du morne Diablotins. Beau trekking en perspective au travers d’une île demeurée sauvage et dont la luxuriance devrait nous combler...  
Arbres à pain, bananiers, cacaoyers, manguiers, muscadiers, papayers, caféiers, cocotiers, pamplemoussiers, citronniers, pour ne citer que les arbres à fruits, et j’en oublie certainement quantité d’autres, ont jalonnés notre première journée de marche. Que de générosité ! Mais il n’y a pas de secret : Il pleut chaque jour sur la Dominique pendant la saison sèche et je n’ose imaginer ce qu’il en est pendant la saison des pluies. Ajoutez à cela la canne à sucre, les vaches, les cochons, les poulets et bien sûr la pêche et vous comprendrez que les dominicains n’ont pas besoin de supermarchés. Nous achevons cette première journée de marche à la Soufrière : rivières d’eau chaude, émanations sulfureuse de la terre...
Le deuxième jour de marche, nous permet d’approcher la ‘’rain forest’’, esquisse d’une forêt primaire totalement préservée, mais qui reste accueillante : Les mêmes plantes que la veille en un peu plus dense. C’est une forêt sans danger (ni félin, ni quelque prédateur que ce soit, à l’exclusion du centapi, un mille pattes peu recommandable). On ne voit guère le ciel en circulant dans cette forêt mais cela a ses avantages : On y est abrité de la pluie.

Laurence dans la jungle


Nous finissons la journée à Bellevue Chopin, chez Ruby et Gordon Royer. Ce couple vit en totale autosuffisante sur une exploitation bio de 9 hectares. Rien de ce qui est consommé chez eux n’a d’autre origine que leur propre production. Une belle leçon et plein d’idées à partager..


Gordon préparant son huile à base de coco
         

     Après une nuit passée dans les hamacs, nous reprenons notre route escarpée : Six heures de dénivelés impressionnants entre des massifs volcaniques  d’environ 1000 m de haut. Fatigués, nous rentrons sur Roseau en stop et nous offrons une nuit de repos à bord du Bonaventure.      
    Quatrième étape de notre périple : Le ‘’boiling lake’’. Il s’agit d’un cratère volcanique rempli d’une eau qui boue en permanence ; La température y est, parait-il, de 180° en surface. C’est le deuxième plus grand lac de cette nature au monde. Dans un premier temps, nous devons grimper au travers d’une forêt sombre et dense. Laurence trouve que c’est une forêt de conte de fées. Je préciserais ‘’conte de fées tropical’’. Au sommet de la montagne, nous sommes dans les nuages et il fait froid. Nous redescendons sur l’autre versant pour atteindre la vallée de la désolation. Elle porte ce nom car l’omniprésence du soufre y interdit toute végétation. La vallée est traversée par des rivières d’eaux chaudes et d’eaux froides qui parfois se croisent pour donner une eau tiède. Ici et là, nous entendons le souffle du cœur de la terre s’échapper d’entre les pierres. Ailleurs, ce sont des petits bassins d’eau en ébullition. Mieux vaut faire attention où l’on met les pieds car le sol n’est pas toujours meuble et dessous, c’est au choix la cocotte minute ou l’enfer ‘affaire d’imagination). Après trois heures de marche, nous atteignons enfin le ‘’boiling lake’’. Je ne saurais le décrire mieux que Laurence qui parle d’un voyage au centre de la terre.

Boiling lake


                Le lendemain, nous partons en territoire Carib (Kalinago, pour être précis et ménager les susceptibilités) où nous visiterons Max, un martiniquais, seul étranger accepté par la communauté indienne, sans doute parce qu’il a su respecter les traditions des anciens. Ici, la terre n’appartient à personne. Seul ce que tu produis t’appartient. Max nous fait découvrir les techniques agricoles et la pharmacopée locale, mais notre escale est bien brève et je me promets d’y revenir. Au petit matin, nous faisons bouillir du lait de coco et quelques fèves de cacao et nous prenons la route non sans avoir absorbé une grande décoction de gingembre.

Le fils de Max

L’après midi, nous descendons en stop jusqu’au lieu-dit Délices, avec l’intention de nous rendre à Victoria Falls, la plus grande cascade de l’île. En arrivant,  nous prenons l’apéro avec les vieux du village. Nous sommes une douzaine de personnes dans un bar de 15m2 et l’ambiance est chaude. Le soir, nous sommes hébergés par Moses (Moïse), un rasta chez qui nous mangeons Ital dans des calebasses en utilisant des cuillères en noix de coco. Nous sommes maintenant sortis de Babylone et avons rejoint Zion Valley pour une soirée de rêves. Dans les années 70, les rastas ont été persécutés. En 1974, la loi ‘’Dread Act’’ autorisait les citoyens à tirer à vue sur les rastas. Ces derniers se réfugièrent en forêt, un peu comme les Kalinago le firent quelques siècles plus tôt. Aujourd’hui, les vieux rastas fument toujours l’herbe de sagesse, mais leurs petits enfants sont scotchés sur un écran. Mondialisation !












Moses & ses petits enfants


Le matin, nous buvons du thé de cannelle et quittons Zion Valley pour une marche non balisée de sept heures à travers la montagne. Nous y traverserons des dizaines de rivières (sans doute vingt ou vingt cinq) toutes plus belles les unes que les autres. Un véritable jardin d’Eden ! Le soir, nous sommes de retour à Roseau où le Bonaventure nous attend sagement.
                A ceux que cela intéresse, je recommande trois ouvrages intitulés ‘’Fleurs et jardins tropicaux’’, ‘’Fruits des tropiques’’ et ‘’Plantes médicinales’’ qui peuvent être commandés sur le site http://www.exbrayat.com
                Le 17 décembre, nous redescendons sur St Pierre en Martinique pour y livrer les calebasses Carib que Max nous avait confiées dans la perspective des marchés de Noël. La traversée se fait sans vent. St Pierre est une petite ville bien triste qui paraît à l’abandon. Le 18 décembre, nous décidons de faire l’ascension du mont Pelée. Malheureusement, le sommet est dans les nuages et la visibilité nulle. L’après midi, nous reprenons notre route vers le sud : Jolie brise par le travers de la baie de Fort de France. Nous progressons bon plein à 7 nœuds et mouillons à 18h00 devant le bourg d’Arlet, le plus joli mouillage de la côte sous le vent où nous ayons eu l’occasion d’escaler en Martinique. Nous poursuivons ensuite jusqu’au Marin pour effectuer les pleins d’eau et de gasoil. Le 20 décembre, Laura arrive par avion et nous repartons aussitôt mouiller devant la grande anse d’Arlet. Soirée reggae...Le vent souffle grand frais dehors et je ne suis pas mécontent d’être à l’abri.    
                Ballade sur la presqu’île de la Caravelle, puis le long du canal de Beauregard, appelé aussi canal des esclaves car il fût construit en 1760 par des esclaves pour alimenter les distilleries du Carbet. Des arbres magnifiques (fromagers, gommiers rouges) le long du parcours.

                Le 25 décembre, Laurence doit rentrer en France.
Elle cache pudiquement sa tristesse que je partage. Ce furent des vacances bien courtes. Le lendemain matin, nous reprenons la route vers le nord. A bord, Laura, Igor et Caroline, une jeune bateau stoppeuse. Nous transportons des denrées alimentaires pour la Dominique avec l’intention de les livrer à Max.   

Commentaires de l'équipage:

Igor: ''Lucky me, I've been there for a while. It's probably the wilder island in West Indies. There are flowers, fruits, thousand kind of trees, and it's really cultural with real Rastafarism, real bushmen. You can eat real Ital food there. Everybody is so nice ansd smilly. There are trails and waterfalls everywhere. It's one of my prefered place in this world. Dominica, nothing hearts, everything beautiful'' 



Laura: ''La Dominique est une île vraiment magnifique où la végétation est présente partout et d'une diversité incroyable. Il suffit de quelques kilomètres pour sortir de la ville et rentrer dans la jungle où seuls quelques rares rayons du soleil traversent les feuilles des immenses arbres. Les gens sont accueillants et très zen. Beaucoup sont en harmonie avec la nature et malgré la différence de langue, j'ai réussi à communiquer et passer un bon moment avec eux sur cette île paradisiaque aux cascades d'une gigantesque puissance'' 



Caroline:  ''Pieds nus dans le Zion ou attablés devant une Kubuli, l'île aux 365 rivières a su nous montrer ses délices. Jardin d'eden caché des yeux du monde, il suffit de tendre la main pour goûter à tes merveilles. Le peuple que tu héberges est à ton image: Doux, franc et généreux. Le voyageur qui se perd sur tes sentiers n'a pas fini d'être surpris.''